A travers cette collaboration, le statut de Céline semble être devenu dual : d’un côté, elle est fan ; de l’autre, elle se retrouve elle-même dans le rôle d’une artiste confrontée à un talentueux perfectionniste dont elle doit satisfaire l’imaginaire et les attentes.

Au-delà de cette collaboration professionnelle, as-tu vécu aussi de « petites scènes ordinaires de la vie d’une fan » ? L’as-tu vu en concert par exemple ?
J’ai eu la chance de voir Michael en concert à plusieurs reprises lors du Dangerous Tour et du HIStory Tour en France et à l’étranger et j’en garde un excellent souvenir, Michael sur scène c’est quelque chose de magique et d’inégalable. Je garde aussi en mémoire des péripéties, des courses folles, des départs inopinés à l’étranger, des prises de risque que je n’aurais jamais expérimentées si cela n’avait été pour Michael, car avant d’avoir la chance de nouer un contact solide et à une période durant laquelle il séjournait régulièrement en Europe (1996-1999), il était très tentant d’aller à sa rencontre. Je me revois un beau matin réveillée par le téléphone qui sonne : une amie m’informe que Michael sera sur le plateau d’une émission allemande (Wetten Dass) le soir même. Nous hésitons un quart de seconde puis attrapons un avion, puis un train, puis pour finir un taxi qui nous conduira au beau milieu d’une zone industrielle située à la frontière franco-allemande. Le tout sans avoir une seule idée de comment nous allions rentrer sur ledit plateau de télé.

Un zeste de chance et un soupçon de ruse plus tard nous étions parmi le public de l’émission, c’est alors qu’un garde du corps de Michael s’approche et nous demande de lui montrer la pancarte que nous avions préparée tant bien que mal lors de notre trajet chaotique : « Michael veut rencontrer des fans, suivez-moi, vite ». Et c’est donc en courant que nous suivons avec une poignée d’autres personnes le garde du corps qui se presse vers les loges maquillage. Nous organisons une « file d’attente » dans le couloir menant à la loge de Michael puis la première personne rentre. La pression est à son comble quand un technicien de la régie arrive et fait comprendre au staff de Michael qu’il est maintenant attendu sur le plateau. C’est donc au pas de course et un peu déçues que nous sommes retournées sur le plateau pour assister à l’émission. Ce jour là Michael est reparti du plateau avec sous le bras une pancarte qu’il a longuement réclamée : la nôtre (cf vidéo ci-dessous) ! Cet épisode illustre bien l’amour que Michael portait à ses fans et combien il était attentif, accessible et bienveillant.

Cette proximité avec ses fans est une chose que le grand public ignore souvent…
J’ai à plusieurs reprises assisté à des scènes lors desquelles Michael avait souhaité rencontrer ses fans en toute simplicité. C’est le plus souvent lors de ses déplacements en Europe que j’étais conviée à venir lui présenter le fruit de mon travail, aussi il m’est arrivé de me trouver dans sa suite d’hôtel alors qu’une foule de fans était postée en bas de ses fenêtres. Il n’était pas rare de voir Michael s’interrompre en pleine conversation pour aller jeter au coup d’œil par la fenêtre, faire un coucou et se manifester face aux chants/cris des fans. Je pense qu’il les considérait un peu comme une grande famille dont il aimait prendre soin : je me rappelle qu’un jour, j’évoquais avec lui le fait qu’il y avait beaucoup de paparazzi qui se mêlaient aux fans devant son hôtel et cela avait l’air de le préoccuper – pas pour sa sécurité mais plutôt pour celle de ses fans car m’avait-il expliqué « ces paparazzi sont des gens agressifs et prêts à tout ».

Votre relation tournait surtout autour de la peinture… mais tu t’es également essayée au stylisme, en dessinant puis en réalisant pour lui une veste sur mesure. Il était habitué aux matières haut de gamme et aux coupes sur mesure. Comment es-tu parvenue à concilier ces deux exigences ?
J’ai débuté ma carrière professionnelle en travaillant pour de grandes maisons de luxe françaises : la haute coutume et le stylisme m’ont toujours intéressée et je dois dire qu’il était réellement tentant d’allier ces passions à l’univers de Michael. Ayant la chance de vivre dans la capitale de la mode, avec à portée de main les plus belles matières premières et les meilleurs artisans, le projet s’est vite mis en place. Michael avait à quelques reprises remarqué le style vestimentaire dans lequel je l’avais croqué et cela m’a en quelque sorte encouragée à passer à la vitesse supérieure. J’ai alors imaginé pour lui une veste en cuir repoussé noir, bleu roi et argenté. Grâce à l’aide de deux amies, d’une modéliste et d’une talentueuse artiste experte dans le travail du cuir, nous avons pu donner vie à cette pièce unique. Pour ce qui est de la coupe sur mesure nous avons eu recours à un petit subterfuge : la statue du musée Grévin. Cette statue a la particularité de porter une veste ayant appartenu à Michael et n’ayant pas été retouchée. A partir de là on pouvait en déduire que les mensurations du corps de la statue étaient elles aussi justes. Nous avons donc effectué une grande partie des sessions d’essayages et retouches de la veste directement sur la statue au musée jusqu’à ce que nous aboutissions à une coupe parfaite.

Michael Jackson porte la veste Magic Sprite créée par Céline LavailDans quel contexte lui as-tu présenté cette veste ? Peux-tu nous raconter cette rencontre avec lui ?
Il s’en est en fait fallu de peu pour que Michael ne voit pas le résultat final puisque c’est à l’issue du concert MJ & Friends à Munich (en juin 1999) que nous avions choisi de lui présenter la veste. Lors de sa prestation sur la chanson Earth Song, Michael s’est gravement blessé et a été amené aux urgences de suite après le show. De retour à l’hôtel, nous étions certaines de ne plus pouvoir obtenir de rendez-vous, c’était la panique et personne ne savait réellement ce qui s’était passé. Pourtant, contre toute attente le lendemain après-midi on nous a notifié que Michael désirait voir notre travail et était prêt à nous recevoir. Comme souvent c’est dans sa suite qu’il nous a accueilli, il portait un haut de pyjama à rayures, était quelque peu décoiffé mais avait néanmoins l’air heureux de nous voir.

Je me souviens qu’une des premières choses qu’il ait faites ce jour là a été de s’excuser pour le show de la veille (!!!) et c’est en cœur que nous l’avons rassuré sur le fait que le spectacle avait été fantastique et que quasi personne n’avait remarqué l’incident sur scène (nous pensions même sur l’instant que tout était orchestré). Il était temps pour nous de le divertir un petit peu et de lui présenter notre travail : à la vue de la veste, Michael s’est exclamé et a de suite demandé à la passer. Une fois enfilée, son premier réflexe a été de vérifier la longueur des manches (il faut savoir que Michael avait de très longs bras, tant et si bien que notre modéliste pensait que nous nous étions trompées dans les mensurations – Michael devait donc souvent tomber sur des vestes aux manches un peu trop courtes pour lui !), puis il a esquissé quelques discrets pas de danse très certainement pour s’assurer qu’il n’était pas entravé dans ses mouvements. Enfin, au moment de fermer la veste – horreur : le zip reste totalement coincé ! C’est alors qu’une personne de son équipe se précipite pour aider son patron à décoincer la maudite glissière. Dans mon esprit la scène dure un bon moment pendant lequel nous nous liquéfions sur place ! Finalement le zip glisse et la veste se ferme. Michael nous fera même ce jour là l’honneur de poser pour quelques photos souvenir avec sa nouvelle acquisition.

Par la suite, tu n’as pas réitéré cette incursion dans le milieu de la mode. Pourquoi ?
Ce fut un joli projet, très enrichissant, mais le stylisme n’est pas mon métier et j’ai préféré focaliser mon attention sur la peinture et la réalisation de portraits.

Pendant plusieurs années, Céline Lavail et Michael Jackson se sont perdus de vue… jusqu’en mars 2007, période à laquelle elle a décidé de remettre le pied à l’étrier en se rendant à Londres à sa rencontre pour tenter de renouer les fils de l’histoire…

Qu’est-ce qui t’a décidée, du jour au lendemain, à essayer de reprendre contact avec lui ? Avais-tu un projet précis en tête ?
Pas réellement, mais je pense tout simplement que c’était le bon moment : Michael semblait disponible, il voyageait à nouveau et les années noires paraissaient loin ; pour ma part je traversais une période professionnelle moins intense ce qui me permettait de me remettre à peindre de façon plus régulière. Reprendre contact avec lui m’est dès lors apparu comme une évidence.

Retrouver la trace de Michael Jackson n’est sans doute pas aussi difficile que de pister un vieil ami d’enfance sur Facebook ou sur « Copains d’Avant ». Par contre, parvenir à le joindre quand on a perdu tout intermédiaire pour assurer la mise en relation doit relever du parcours du combattant. Comment as-tu procédé ?
Il est vrai que les années passant, l’équipe de Michael avait inévitablement évolué, la structure de MJJ Productions n’existait plus, il était à partir de là quasi impossible de reprendre contact. Il ne me restait à ce moment là plus qu’une seule option : aller à sa rencontre comme je l’avais fait 10 ans plus tôt à Monte Carlo. C’est alors que Michael est venu séjourner quelques jours à Londres après une apparition au Japon : c’était une opportunité en or ! Je n’ai pas hésité une seule seconde et j’ai sauté dans un Eurostar avec mon portfolio sous le bras. Cependant tout restait à faire et arrivée au pied de son hôtel londonien, il aura fallu plusieurs tentatives avant d’arriver à lui faire passer un mot. Je ne saurais jamais quel moyen aura été le plus efficace mais toujours est-il qu’alors que j’étais en ligne avec un ami, la sonnerie du double appel s’est fait entendre : en raccrochant j’avais un message d’un certain Michael Jackson !

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