CELINE LAVAIL DESSINE LES CONTOURS DE MICHAEL JACKSON, « L’ARTISTE ABSOLU »
Interview réalisée en octobre 2010

Le public a découvert l’histoire de Céline Lavail en 2009 avec la publication de l’Opus Michael Jackson, seul livre officiel posthume sur l’artiste autorisé par les gestionnaires de son patrimoine. Une histoire qui débute en 1996 : Céline est alors lycéenne, elle aime dessiner et la musique du Roi de la Pop lui sert souvent de toile de fond lorsqu’elle griffonne.

A 17 ans, elle décide d’investir ses économies dans un déplacement à Monaco, pour tenter de rencontrer l’artiste et de lui présenter son travail. Elle se glisse parmi les centaines de fans qui le guettent au pied de son hôtel et à force de patience, parvient à remettre à son équipe, dans la bousculade, un livre de croquis qu’elle a réalisés. Le retour ne se fait pas attendre et Michael Jackson demande à la rencontrer immédiatement. Ce premier contact marque le début d’une collaboration d’une dizaine d’années, au cours de laquelle il lui a régulièrement commandé des toiles.

Michael Jackson - Le Marchand de SableBonjour Céline, on a beaucoup parlé de ta première rencontre avec Michael Jackson. Elle représente, d’une certaine manière, le croisement entre ta passion pour l’art et ta sensibilité à sa musique. Qu’est-ce qui a éveillé ton intérêt pour le dessin et quel rôle a joué Michael Jackson dans ta progression artistique avant que tu le rencontres ?
Aussi loin que me portent mes souvenirs, j’ai entretenu une réelle passion pour l’art, cela a commencé très tôt avec la danse, s’est poursuivi avec les arts graphiques tout en passant par le théâtre. J’ai depuis toujours aimé laisser libre cours à mon imagination et retranscrire cela d’une manière ou d’une autre – en l’occurrence j’ai fini par le faire sur un bout de papier.

Quant à dire quel a été le rôle que Michael a joué dans mon cheminement artistique, je dirais qu’il a été un catalyseur : Michael est un parfait exemple d’Artiste Absolu qui a su allier à la fois le chant, la danse, la comédie, la mise en scène, le tout en créant un style à part et un univers unique : c’est ce qui m’a fascinée et attirée. Son univers hors norme a toujours été en adéquation avec ma sensibilité artistique et avant même d’avoir eu la chance de l’entrevoir et de lui parler, son travail m’inspirait au plus haut point.

Peux-tu nous en dire davantage sur les dessins que tu avais fait passer à son équipe lors de ton déplacement à Monaco ?
Ces quelques pièces étaient plutôt modestes mais j’y avais mis tout mon cœur. Il s’agissait d’illustrations à mi-chemin entre ce que l’on peut trouver dans les gravures enluminées du Moyen-Age et les livres d’enfant. L’une d’entre elles représentait Michael sous les traits du marchand de sable voguant parmi les étoiles (cf image ci-contre).

En découvrant ce travail, Michael Jackson demande aussitôt à l’une des personnes de son équipe d’aller en chercher l’auteur car il souhaite faire sa connaissance. Céline dira plus tard : « Ce fut mon tout premier contact avec lui. Un grand moment… Une fois dans la suite, il a tenu à me féliciter pour mon travail et m’a immédiatement demandé si j’étudiais les Beaux-Arts. J’ai répondu par la négative. Il s’est alors mis à applaudir… Grand moment de solitude ! Il m’a alors dit que j’avais un don et qu’il fallait que je le travaille ».

Message rédigé par Michael Jackson à Céline lors de leur première rencontre

Message rédigé par Michael Jackson à Céline lors de leur première rencontre :
« Ton livre est vraiment un regard en profondeur sur le don qu’est notre imagination.
Que Dieu bénisse tes talents pour toujours, tu es vraiment créative et douée.
Que la petite fille en toi refuse à jamais de grandir ».

Au cours cette première entrevue, il te donne donc ses encouragements… mais pas seulement. Il te fait également savoir qu’il souhaite en voir davantage. Quand tu reviens chez toi, que tu reprends le lycée avec cet enjeu à la fois excitant et ambitieux en tête, dans quel état d’esprit te trouves-tu ? Sais-tu dans quelle direction te diriger ?
Ce fut plutôt inattendu puisque je croyais mon entrevue finie quand l’un de ses gardes du corps est venu me voir dans l’antichambre de la suite et m’a tendu un bout de papier sur lequel se trouvaient toutes les coordonnées d’un contact chez MJJ Productions. A ce moment là je vous assure qu’il est difficile d’y croire et après quelques secondes d’euphorie passées dans l’ascenseur qui vous ramène à la réalité le doute s’installe. S’agissait-il d’une réelle invitation ? Avait-il fait cela par simple politesse ou bien avait-il été touché par mon travail ? Les questions se bousculaient et me faisaient presque oublier le court mais magnifique moment que j’avais eu la chance de passer avec lui. Cette année là – qui était également l’année de mon bac – j’ai passé des heures incalculables à me creuser la tête pour viser au plus juste et trouver un univers graphique qui attirerait à nouveau son attention. J’ai épluché nombre de livres d’art, crayonné, raturé, recommencé…

Par la suite, tu lui envoies différents dessins, sans recevoir aucune réaction de sa part, ni positive, ni négative. En l’absence totale de feedback, comment tentes-tu à chaque nouvelle réalisation de cerner ses envies ?
Cela a été dur et j’ai beaucoup douté car finalement rien ne pouvait réellement me garantir que Michael recevait bien tous mes dessins. Alors je passais des coups de fil à son assistante qui me rassurait en me disant qu’elle lui faisait tout passer mais qu’il fallait se montrer patient.

Michael Jackson - Peter PanUn jour, il finit par revenir vers toi suite à l’envoi d’une œuvre le représentant sous les traits de Peter Pan… Comment a-t-il repris contact ?
Le plus simplement du monde : en décrochant son téléphone. A l’époque je finissais une année d’études à l’université de Salamanque en Espagne et le moins que l’on puisse dire c’est que je m’attendais à tout sauf à ça ! C’est donc tard le soir que le téléphone sonne et que Michael se présente en toute simplicité : « Céline, this is Michael Jackson… ». Passé le choc d’entendre sa voix (reconnaissable entre mille) au bout du fil, j’ai finalement rassemblé mes esprits et réussi à me concentrer sur ce qu’il avait à me dire. Et c’est effectivement un croquis le représentant sous les traits de Peter Pan, l’un de ses personnages préférés, qui avait retenu toute son attention. Il s’agissait pourtant une simple ébauche mais il faut croire que le sujet lui tenait à cœur et c’est alors qu’il m’a demandé de travailler ce thème plus en détail et de lui soumettre quelque chose d’abouti.

Je me souviens qu’il était très pressant, me demandant quand je pourrais lui présenter une telle pièce, s’il était possible de lui faire parvenir quelque chose dans les semaines à venir : la pression montait ! Je me suis mise au travail dès le lendemain après avoir à peine pu fermer l’œil. Trois semaines plus tard le tableau était fin prêt et mes bagages bouclés : il était temps pour moi de rentrer en France.

C’est d’ailleurs à Paris que j’ai eu la chance de pouvoir remettre à Michael ce premier tableau, alors qu’il séjournait au premier étage du Ritz. A la vue du portrait il a écarquillé les yeux et à immédiatement appelé deux invités qui se trouvaient dans le salon de la suite Impériale pour leur présenter mon travail : j’étais à la fois gênée et extrêmement flattée. S’en est suivi – comme cela sera le cas à chaque fois par la suite – une pluie de questions sur ma façon de peindre, le type de peinture utilisé, les techniques, les sources d’inspiration mais également sur Paris, son architecture et ses artistes célèbres. Ce jour là une deuxième commande de tableau est venue clore notre entrevue parisienne : l’aventure continuait.

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